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Le point de vue de Christophe Hache (ARDM), avril 2014

Acteurs de l'enseignement des mathématiques : avancer ensemble

Christophe Hache, président de l'ARDM

Hache

La CFEM rassemble un très large panel d'associations et d'institutions concernées par l'enseignement et l'apprentissage des mathématiques. C'est, à ma connaissance, la seule structure ayant cette caractéristique. Les représentants de ses composantes se rencontrent plusieurs fois par an, échangent, prennent des positions communes (ou constatent leurs différences) autour des questions vives concernant les mathématiques et leur enseignement : formation des enseignants, programmes de mathématiques du primaire, du secondaire, du supérieur, attractivité des mathématiques, recherches sur l'enseignement et l'apprentissage des mathématiques etc. Une réunion existe aussi à l'initiative de l'APMEP à l'automne, tous les ans, lors des journées de l'association. Dans les deux cas (CFEM ou journées APMEP) les questions posées, les décisions prises le sont à un niveau macroscopique, politique.

J'aimerais poser ici la question des échanges effectifs, des échanges possibles, de la complémentarité des points de vue, sur le(s) terrain(s) aussi, des personnes représentées (d'une façon ou d'une autre) à la CFEM.

Les associations membres de la CFEM regroupent des enseignants (de différents statuts, à différents niveaux), des chercheurs (de différentes disciplines), des formateurs d'enseignants (de façon indirecte, aucune des structures ne les représente en tant que tels), des institutions. Les lieux d'échanges entre ces différents acteurs de la large institution éducation nationale – enseignement supérieur – recherche ne sont pas si fréquents.

Un enseignant croise des enseignants chercheurs pendant ses études, pendant sa formation, il peut très bien ne plus en voir par la suite. Son institution de rattachement ne facilite pas les choses. La formation continue devrait permettre de telles rencontres, mais je pense que l'on peut dire que la formation continue des enseignants est dévastée, on pourrait presque ajouter que plus les ministres parlent de priorité à ce sujet, plus les choses s’aggravent. Les rares formations existantes ne sont là qu'au prix de luttes parfois épiques, d'autant plus si on ajoute une exigence de réflexion collective et de préparation (financée) de ces formations. Soulignons aussi qu'il est très difficile pour un enseignant d'obtenir un congé formation pour préparer un concours ou passer un diplôme.

Un chercheur croise des enseignants pendant sa scolarité, il peut ne plus en voir par la suite, sauf s'il a des enfants, il peut ne jamais croiser un formateur. Le cas d'un chercheur travaillant sur l'enseignement des mathématiques est bien sûr particulier, mais même dans ce cas, pour un didacticien par exemple, son institution de rattachement ne simplifie pas la mise en place de liens. La tutelle « recherche » ne reconnait que très peu les activités de diffusion et de vulgarisation, que ce soit du point de vue de l'évaluation des chercheurs ou des financements. Les travaux au sein d'un IREM, d'une commission nationale inter-IREM, une communication dans des journées académiques ou aux journées académiques ne sont par exemple en général pas suffisamment « académiques » pour être directement pris en compte par la tutelle.

Les formateurs d'Espé sont sans doute les acteurs de l'institution qui sont le plus à l'interface : ils travaillent avec des chercheurs (au moins ceux de leur École), avec des enseignants débutants (leurs étudiants ou stagiaires), avec des enseignants confirmés (par exemple les tuteurs), ils se rendent dans les établissements, peuvent intervenir en formation continue etc.

Les corps d'inspections de l'éducation nationale (qu'ils soient ministériels ou académiques, plutôt concernés par le primaire ou par le secondaire) peuvent aussi occuper une place d'interface. Leur statut institutionnel ne permet cependant pas toujours facilement tous les types d'investissements : pour des questions de temps disponible et de positionnement institutionnel (les contraintes liées au pilotage institutionnel ou à la position d'évaluation ne permettent pas toutes les libertés).

Pourtant chacun, même dans sa logique propre, aurait tout à gagner à une mixité plus grande entre ces différentes communautés. On pense bien sûr aux « retombées de la recherche sur » la formation ou l'enseignement, mais il ne faut pas oublier aussi par exemple l'enrichissement des questions de recherche lors d'échanges formels ou informels sur le terrain, l'affinement des résultats lors des phases de « vulgarisation », les retours constructifs à ces occasions etc. Sur ce point on peut aller plus loin et affirmer qu'une recherche sur l'enseignement perd toute pertinence en se coupant de relations avec le terrain. De même les rencontres entre chercheurs et élèves (fête de la science, stages, concours etc.) profitent directement aux élèves, aux enseignants, aux chercheurs, à leurs institutions, à l'image des mathématiques etc. Ce temps passé à travailler ensemble nous enrichit tous fortement.

Le modèle des IREM est un excellent exemple de lieu de travail autour de l'enseignement des mathématiques : lieu de réflexion et de recherche, lieu d'expérimentation, lieu de création de ressources et de formations. S'y croisent depuis plus de 40 ans des enseignants de divers statuts, des formateurs, des chercheurs mathématiciens de diverses spécialités (dont didacticiens), des inspecteurs etc. Les IREM ne sont actuellement pas (du tout) dans une situation confortable (pour les raisons citées ci-dessus : manque de financement, manque de moyens en décharge et en heures, forces centrifuges liées à l'organisation de la recherche, aux changements progressifs de fonctionnement des établissements du primaire et du secondaire). Le réseau des IREM est vital, tout doit être mis en oeuvre pour maintenir son dynamisme et sa qualité à un haut niveau. Dans ce contexte institutionnellement difficile, la première forme de soutien est la participation et l'investissement de chacun !

D'autres lieux de rencontres et d’échanges, plus ponctuels, existent : colloques de la Corfem, colloques de la Copirelem, journées APMEP. Là aussi, participons, échangeons, confrontons, diffusons nos connaissances, progressons ensemble.

« Petites » nouvelles dans le paysage, les Espé pourraient porter l'espoir d'un renouveau côté institutionnel. Les Espé ont en effet vocation à fédérer les actions de formation initiale, de formation continue et de recherche dans chaque académie. Verra-t-on la généralisation de groupes de travail formateurs – enseignants – tuteurs – chercheurs –inspecteurs avec des missions et des fonctionnements proches de celles des groupes IREM ? Avec une articulation vers la formation initiale, la formation continue et la recherche ? Aura-t-on la force là aussi, au milieu du tsunami qu'est toujours une réforme de cette ampleur, de nous mobiliser pour que les choses soient faites dans ce sens du collectif, du croisement constructif des terrains et des expériences, de l'enrichissement mutuel ? Espérons-le !

Christophe Hache, le 25 mars 2014

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