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Quelques conditions d’efficacité des professeurs pour le premier enseignement des mathématiques dans les pays francophones

Mercier, A. (2015), rapport d'étude pour la Banque Mondiale

Ce rapport de synthèse répond à un appel d’offres de la Banque Mondiale de mars 2014, visant à recenser les recherches francophones "evidence based" et leurs résultats, en particulier dans les pays de la CONFEMEM (Conférence des ministres de l'Education des États et gouvernements de la Francophonie).

Il a été réalisé par Alain Mercier (professeur émérite à l'Institut Français de l'Éducation, Ecole Normale Supérieure de Lyon) en collaboration avec Antoine Bodin, Serge Quilio, Sophie René de Cotret et Maggy Schneider et a été remis, en octobre 2014, à la banque Mondiale. Il est maintenant en ligne sur le site de la CFEM (lien ci-dessous) et sera présenté lors de la conférence ICMI 23 sur les premiers apprentissages scolaires des nombres.

Quelques conditions d’efficacité des professeurs pour le premier enseignement des mathématiques dans les pays francophones

Extraits de la présentation de ce rapport pour la conférence ICMI.

L’efficacité relative des systèmes d’enseignement modernes les a rendus presque universels. Ils sont devenus la norme pour la transmission de tous les savoirs, aussi bien théoriques, que techniques et technologiques, dans la plupart des cultures qui cherchent à transmettre des savoirs à des portions nombreuses d’une population (Chevallard et Mercier, 1987).

Mais les systèmes d’enseignement n’ont pas été l’objet de nombreuses recherches visant à comprendre ce que nous appellerons leur écologie sociale, aussi les raisons de l’efficacité de nos systèmes d’enseignement sont mal connues, et les raisons de leur inefficacité dans certains cas (pour certaines connaissances et certains savoirs, pour certaines techniques pédagogiques, pour certains publics, dans certains groupes sociaux) sont encore plus mal connues ; ce qui rend délicates les interventions visant leur amélioration et plus encore leur « pilotage ».

Il n'y a pas, dans le monde francophone, de recherches de grande ampleur ayant visé à comprendre l'efficacité relative des pratiques de classe, sinon la récente étude commanditée par le PIREF au CREAD, qui s'était associé d'autres laboratoires pour étudier l'efficacité différente des professeurs de CP en français et en mathématiques. Des résultats sur l'efficacité en mathématiques sont nés les projets Apprentissage et Compréhension à l'École pour le CP, puis ARITHMECOLE pour le niveau suivant (ces travaux sont présentés par ailleurs à ICMI 23).

EducFrancophoneQuelques résultats ressortent du croisement des enquêtes en sociologie de l'éducation qui sont disponibles avec des éléments comparatifs entre pays francophones et anglophones, pour les 40 pays impliqués dans le PASEC (Programme d'Analyse des Systèmes Éducatifs de la CONFEMEM qui réunit les ministères de l'enseignement de 44 pays). Voir par exemple (Mingat, 2006). Le résultat que nous jugeons le plus important, que nous présenterons ici rapidement, tient au taux de redoublement dès le CP dans les pays francophones.  Ce taux est deux à quatre fois plus important que dans un pays anglophone, toujours supérieur à 15% il peut aller jusqu’à 30%. Cet éléments statistique peut être mis en rapport avec d'autres éléments comme le fait que ce taux est à peu près constant dans le temps, l’espace, et les niveaux scolaires, et qu'il n'est pas lié aux performances des classes accueillant les élèves, les meilleures classes ayant à peu près le même taux que les pires.

Nous avons montré que ce fait peut être mis en relation avec le fait que les professeurs de ces pays se plaignent unanimement de ne pas arriver à finir le programme, et cet autre fait: ils s'engagent dans des révisions longues. Enfin, le redoublement ne tient pas seulement aux performances des élèves puisqu'à réussite égale aux tests externes, le taux de redoublement est un peu plus élevé pour les élèves à qui on hésite d'attribuer le savoir : les filles, par exemple. Nous interprétons cet ensemble de faits comme une propriété des systèmes scolaires mis en place par la France, car le problème est autre au Québec, en Belgique ou en Suisse.

La propriété semble tenir à une organisation particulièrement bureaucratique de ces systèmes, l'on s'enquiert plutôt de ce qu'un élève a reçu comme enseignement que de ce qu'il sait et a appris. Cela qui conduit à considérer qu'un élève qui ne sait pas ce que l'on attend qu'il sache (il devrait le savoir, puisque cela doit lui avoir été enseigné), va être de nouveau soumis à l'enseignement, comme s'il avait été absent ; et aussi qu'un élève qui sait ce qui lui a été enseigné est tout juste bon à suivre l'enseignement à venir...

Le rapport construit aussi d'autres connaissances sur les spécificités des systèmes d'enseignement de certains des pays étudiés. En particulier, il dégage une hypothèse forte: il semblerait en effet que là où le rapport social dominant aux savoirs semble être d'abord oral, la réussite scolaire est plus faible que lorsque l'école peut développer un rapport fort des élèves aux pratiques de l'écrit. Or la question du rapport à l'écrit semble fortement liée à la réussite en mathématiques, qui, comme les mathématiciens le savent, est une pratique mobilisant des représentations graphiques et des outils symboliques, le discours accompagnant ces pratiques ayant alors une fonction de type théorique. Cette hypothèse pourrait rendre compte de la différence importante de réussite des élèves malgaches et maliens, qui sont par ailleurs deux nations comparables du point de vue des statistiques sociales et économiques. Cependant, une telle hypothèse n'a, semble-t-il, jamais été explicitement explorée et elle prend donc la forme d'une question d'écologie sociale (d'un système d'enseignement, ou seulement d'une discipline d'enseignement). Une question ouverte, qui est posée aux chercheurs à venir.

Chevallard, Y., & Mercier, A. (1987). Sur la formation historique du temps didactique. IREM d’Aix-Marseille.

Mingat, A. (2006). Disparités sociales en éducation en Afrique sub-saharienne: Genre, localisation géographique et revenu du ménage. In « Économie de l’Éducation: Principaux Apports et Perspectives’. Dijon.

Lien de téléchargement du rapport

Contacter l'auteur : Alain Mercier

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