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Baisse des filles en sciences depuis la réforme : un problème majeur et persistant

Une note du Collectif Maths&Sciences

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Cette note du Collectif Maths&Sciences a pour but de mettre fin à une controverse créée il y a quelques semaines par l’ancien ministre de l’Éducation nationale et ses principaux partenaires acteurs de la mise en place de la réforme du lycée de 2019. Elle est destinée à éclairer le débat public en prenant appui, comme de coutume, sur les données publiques de la Depp1. Dans la lignée de notre analyse de l’évolution du poids des sciences dans le bac général2, nous montrons que les légères améliorations observées depuis 2 ans sur les effectifs des élèves en parcours scientifiques restent bien négligeables devant les ruptures provoquées par la réforme du lycée de 20193.

  1. Les évolutions des parcours scientifiques en classe de première générale :

Pour la classe de première d’abord, nous représentons dans les graphiques ci-dessous l’évolution des effectifs des lycéennes et des lycéens ayant au moins deux disciplines scientifiques dans leur emploi du temps. Pour chaque année depuis 2018 (dernière année avant la réforme), nous indiquons la répartition de ces élèves selon leur nombre d’heures d’enseignement en sciences en précisant la part des maths. Avant la réforme, tous les élèves de première S suivaient 10h ou 14h de sciences hebdomadaires constituées de 3 disciplines : maths (4h), physique-chimie (3h) et, ou bien SVT (3h) ou bien SI (7h). Après la réforme, chaque discipline scientifique est devenue un enseignement de spécialité4 de 4h. Les élèves peuvent donc suivre au maximum 3 sciences, pour un total de 12h hebdomadaires.

 

Depuis la réforme, nous observons que5 :

  • Les effectifs des élèves choisissant au moins 2 disciplines scientifiques en première sont proches des effectifs des élèves qui allaient en S avant la réforme. Les variations sont de l’ordre de celles des effectifs globaux des élèves de la filière générale (baisse de 2% des effectifs des filles et augmentation de 4% des garçons).

  • Les effectifs des élèves suivant trois sciences ont fortement chuté, de 41% pour les filles et de 34% pour les garçons.

Remarques :

  • Près de 7000 élèves choisissent de suivre 2 sciences sans mathématiques en première. Ces élèves n’auront pas de bagage de mathématiques suffisant pour poursuivre des études scientifiques dans lesquelles ils ne seront pas acceptés après le bac. Est-il raisonnable de laisser les élèves s’enfermer dans de telles impasses ?

  • Parmi les choix scientifiques, certes la triplette maths/PC/SVT est majoritaire en filles (57,3%), mais les triplettes maths/PC/NSI ou maths/PC/SI sont largement majoritaires en garçons (15% de filles), ce qui conduit à la baisse globale de la part des filles en sciences dès la première.

Conséquences de la réforme du lycée :

  • Les effectifs scientifiques sont restés stables, mais ceux des élèves polyvalents en sciences (suivant 3 disciplines scientifiques) ont chuté de plus d’un tiers depuis 2018.

  • Cette chute est plus importante pour les filles. La part des filles parmi les élèves suivant au moins 2 disciplines scientifiques a diminué depuis la réforme, passant de 47,5% en première S en 2018 à 44,9% en 2023.

2. Les évolutions des parcours scientifiques en terminale générale :

Pour la terminale ensuite, nous représentons l’évolution des effectifs des élèves suivant 2 disciplines scientifiques en fonction du nombre d’heures de maths. En 2019, ce sont les élèves de terminale S qui suivent tous au moins 6h de maths et 2 autres disciplines scientifiques. Ils ont 16h30 de sciences hebdomadaires, sauf les élèves de SI qui en ont 19h ou 21h. Après la réforme, ce sont ceux qui suivent 2 enseignements de spécialités sciences de 6h chacun, soit 12h de sciences hebdomadaires, et jusqu’à 15h en option en ajoutant 3h de maths en enseignement facultatif.

Depuis la réforme, nous observons que :

  • Entre 2019, dernière année avant la réforme, et 2023, les effectifs scientifiques ont chuté de 27% pour les filles et 16% pour les garçons alors que les effectifs de terminale générale sont stables.

  • Pour les élèves qui suivent 6h de maths ou plus, cette chute est de 53% pour les filles et 30% pour les garçons.

  • Pour ceux qui suivent 8h de maths ou plus, l’effectif des garçons augmente de 20% tandis que celui des filles diminue de 8%.

Remarques :

  • Seule la doublette PC/SVT est majoritaire en filles, mais elle creuse encore l’écart avec les orientations genrées à l’intérieur des sciences : elle ferme l’accès aux formations en sciences fondamentales qui sont justement les moins féminisées, contraignant à se diriger vers les filières biologie/santé dont le taux de féminisation risque encore de s’accroître.

  • S’il est vrai qu’il y a plus de 20 000 filles suivant 9h de maths par semaine, ce qui constitue une augmentation d’environ 8% par rapport à 2019, il est faux de penser que toutes peuvent s’orienter vers les filières sélectives à dominante maths6 : seules celles qui ont choisi aussi une autre discipline scientifique hors SVT pourront être admises dans ces filières. Cela représente moins de 16 000 filles, soit une baisse de 30% par rapport à 20197.

Conséquences de la réforme du lycée en 2023 :

  • Les effectifs scientifiques de terminale générale ont chuté de plus de 20%, avec une perte de polyvalence scientifique qui touche tous les élèves. Cette chute dépasse 40% pour ceux qui suivent 6h de maths ou plus.

  • Cette chute est plus forte pour les filles, quel que soit le nombre d’heures de maths suivies. En conséquence, la part des filles a chuté dans tous les parcours scientifiques, passant de 47,5% à 38% pour les élèves scientifiques suivant au moins 6h de maths, et 32% parmi ceux qui en font plus de 8h.

  • On observe depuis 2021 une légère remontée des effectifs qui restent toutefois inférieurs en 2023 à ceux de 2020, première année après la réforme. Elle est négligeable devant la chute de 2019.

Conclusion générale :

La tendance à l’augmentation des effectifs scientifiques en terminale depuis 2021 est incomparable avec la chute provoquée par la réforme. Pire, elle reste encore inférieure de 6% à 2020, première année après la réforme, alors que l’effectif total des élèves a légèrement augmenté. Il est donc faux de penser que l’augmentation observée en terminale entre 2021 et 2023 a résolu les problèmes mis en évidence lors de la mise en œuvre de la réforme :

  • Chute inédite des effectifs scientifiques, particulièrement forte lorsqu’on inclut les maths.

  • Perte de polyvalence scientifique pour tous les élèves.

  • Aggravation inédite des inégalités liées au genre dans les sciences.

Notes

1 Depp, notes d’information : 24.06 ; 23.06 ; 22.19 ; 21.41 ; 21.22 ; 20.38 ; 19.48 ; RERS 2020 et 2019 chap 4.9

4 Il y a 5 enseignements de spécialités sciences (au sens scolaire usuel correspondant aux anciennes filières scientifiques du lycée général): maths, informatique (NSI), physique-chimie (PC), sciences de la vie et de la terre (SVT) et sciences de l’ingénieur (SI).

5 Nous renvoyons à l’annexe sur le site du Collectif Maths&Sciences pour le détail des données en lien avec les graphiques.

6 Avec une orientation vers les sciences fondamentales et technologiques.

7 Diaporama du Collectif Maths&Sciences, avril 2024 Sciences au lycée : le bilan 2024 en graphiques

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