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Contribution de la CFEM à la mission « Exigence des Savoirs » relative à l’enseignement des mathématiques

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Pourquoi une contribution de la CFEM ?
La Commission Française pour l’Enseignement des Mathématiques (CFEM), regroupe les sociétés savantes et associations intéressées à l’enseignement des mathématiques (ADIREM, APMEP, ARDM, Femmes et Mathématiques, SFdS, SMAI, SMF, UPS), et comporte des représentants de l’Académie des Sciences, du CNFM, de l’IHP et de l’IGÉSR. Depuis 2020, l’association Math.en.Jeans est membre associé de la CFEM. La CFEM représente la France dans la structure internationale ICMI (International Commission on Mathematical Instruction).
Soulignons donc que la CFEM permet de faire un lien entre tous les aspects de l’enseignement des mathématiques, de la maternelle à l’université, de la formation initiale et continue des enseignants, de la diffusion et de la médiation scientifique, de la recherche fondamentale et appliquée jusqu’à la pratique de notre discipline en milieu industriel. La CFEM a précisément pour mission de promouvoir et de soutenir la réflexion et la recherche sur l’ensemble des questions relatives à l’enseignement des mathématiques à tous les niveaux du curriculum, de promouvoir et soutenir les actions nationales et internationales, notamment au sein de la communauté francophone, visant à améliorer cet enseignement et la manière dont il est perçu par la société, ceci dans un esprit d’échanges et de collaboration avec tous les acteurs de l’enseignement des mathématiques.
L’existence même de notre structure démontre que la communauté de l'enseignement mathématique est fortement organisée. Elle a mené à diverses occasions et depuis de nombreuses années des réflexions approfondies sur la partie nationale au cœur de ses missions. À ce titre, ayant pris connaissance de la mise en place de la mission « Exigence des Savoirs » et de ses objectifs ambitieux pour l’école, que nous partageons, nous avions envoyé un courrier le 6 novembre 2023, demandant à être reçus dans le cadre des auditions que vous conduisez pour cette mission. Nous comprenons que notre demande relativement tardive ne vous ait pas permis de nous recevoir. Nous souhaitons cependant transmettre une contribution écrite où nous mettons en évidence les points qui nous semblent essentiels, notamment dans la suite des travaux conduits au sein de la CFEM et de ses composantes, et plus récemment au sein du collectif Maths&Sciences, dont la CFEM est membre.
1 – La structure du Lycée et ses conséquences sur le système éducatif
La structure actuelle du lycée général, suite à la dernière réforme mise en place à la rentrée 2019, a généré de très nombreux problèmes dont nous rappelons ci-dessous les principaux :
• Un recul sans précédent de la place des filles choisissant de continuer à faire des mathématiques au-delà de la classe de seconde.
• Un accroissement des inégalités territoriales, certains territoires n’étant pas en capacité d’ouvrir certaines spécialités, comme NSI, ou certaines options notamment « Mathématiques expertes ».
• Un accroissement des inégalités socio-économiques qui se concrétise dans le choix des spécialités : le choix de la spécialité « Mathématiques » ou d’un groupe de spécialités scientifiques est corrélé avec l’appartenance à une classe sociale favorisée.
• La destruction du groupe classe dans de très nombreux lycées par le jeu du choix de spécialités. Seuls les gros établissements (en termes d’effectifs) peuvent pallier au moins partiellement cette destruction. Elle réduit les possibilités d’interdisciplinarité et de travail collaboratif, et s’il ne peut encore y avoir d’étude précise sur ses effets, on peut faire l’hypothèse qu’elle va à l’encontre des objectifs ambitieux visés par votre mission.
Parmi les conséquences délétères de cette dernière réforme du lycée général, on peut encore noter
• Un recul de la formation et de la culture générale scientifique et mathématique, en particulier celle des étudiants se destinant au professorat des écoles, ce qui va encore aggraver une situation déjà très critique, identifiée comme une source partielle de la baisse du niveau des élèves.
• Des difficultés accrues en mathématiques à l’entrée à l’université pour les étudiants n'ayant pas suivi la spécialité mathématiques. Que ce soit dans les filières scientifiques, économiques ou toute autre filière pour lesquelles une formation en mathématiques est indispensable, ces difficultés ne peuvent être que partiellement résolues par des enseignements de « remise à niveau », qui se font au détriment d’autres enseignements mais sans pouvoir compenser les lacunes. On en constate les conséquences sur le niveau général de formation des étudiants dans les filières concernées.
• Un affaiblissement très significatif du vivier pour les formations aux différents métiers scientifiques et technologiques, à l'exception peut-être de quelques filières ingénieurs, et un recul de la diversité socio-économique et de la diversité en termes de genre dans ces métiers, alors qu’il s’agit d’un enjeu de société majeur.
La réforme en cours du lycée professionnel suscite également des inquiétudes en ce qui concerne notamment l’articulation des programmes avec le supérieur. Pour toutes ces raisons, et pour les incidences fortes qu’elles ont sur le niveau des élèves, les questions structurelles doivent être prises en compte.
2 – La formation continue des enseignants
La formation continue est une nécessité absolue pour les enseignants tout au long de leur carrière et quels que soient les niveaux où ils enseignent. La communauté mathématique développe depuis très longtemps des collaborations fécondes et fructueuses au sein du réseau des IREM (instituts de recherche sur l’enseignement des mathématiques), qui a été pensé dès sa création comme un acteur majeur de la formation continue associant enseignants du primaire, du secondaire et du supérieur, formateurs d’enseignants, chercheurs et inspecteurs pédagogiques. Sa structuration en réseau national au sein de l’ADIREM (Assemblée des Directeurs d’IREM) assure la diffusion des travaux conduits localement au niveau national et offre de nombreuses ressources utilisées par les enseignants et les formateurs, que ce soit en formation initiale ou continue. Depuis plus de cinquante ans, les IREM jouent un rôle essentiel dans la formation continue des enseignants en mathématiques (on pourra se reporter au dossier de la Gazette de la société mathématique de France d’octobre dernier).
Malheureusement, depuis plusieurs années, la formation continue en France se dégrade, et les dernières mesures demandant que les formations continues se déroulent hors temps scolaire vont encore aggraver cette situation, rendant plus difficile encore le développement des actions au sein du réseau des IREM. Ces mesures fragilisent d’autres actions, comme par exemple les ateliers et congrès Maths-en-Jeans.
3 – Les risques liés à la création de groupes de niveau
S’il est important de pouvoir répondre de manière différenciée aux difficultés des élèves, la solution consistant à regrouper les élèves par niveau comporte selon nous un risque majeur, celui de constituer des groupes de niveau pérennes, voire des classes de niveau. Les études internationales montrent que ceci ne permet pas d’améliorer le niveau des élèves faibles, creuse encore plus les écarts entre les élèves et favorise les inégalités socio-économiques. Des organisations didactiques et pédagogiques pour gérer la différentiation à l’intérieur de la classe ont été documentées et expérimentées depuis de nombreuses années, notamment dans le cadre de travaux associant enseignants de terrain, formateurs et chercheurs au sein des IREM. Il s’agit d’une alternative féconde qui ne devrait pas être négligée.
4 – La formation initiale et le recrutement des enseignants de mathématiques
Ce sujet est commun aux enseignants de toute discipline et fait l’objet actuel de diverses réflexions et propositions. Il a néanmoins des spécificités suivant les disciplines.
• Rappelons que nous avons régulièrement défendu un modèle de type IPES qui avait très bien fonctionné dans notre discipline. Suite à l’instauration des AED en pré-professionnalisation, qui existent dans notre discipline, nous avons demandé que ce dispositif soit amélioré pour permettre d’attirer plus d’étudiantes et d’étudiants vers le métier d’enseignant de mathématiques.
• Nous avons déjà souligné plus haut que la formation initiale des professeurs des écoles en mathématiques est un élément majeur pour améliorer le niveau des élèves et leur permettre de suivre avec profit les enseignements au collège puis au lycée, tant général que professionnel et technologique.
Nous ajoutons pour conclure que si la mise en place de cette mission Exigence des Savoirs nous semble présenter un intérêt pour améliorer l’enseignement des mathématiques, élément nécessaire pour accroître le niveau des élèves de la maternelle au lycée, la durée qui lui est accordée est trop réduite pour produire des résultats permettant de remplir les objectifs annoncés. Nous appelons donc à une concertation également ambitieuse, mais menée sur un temps plus long et prenant appui sur les recherches sur l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques et de leurs interactions, pour étayer les choix, mesurer les effets, et contribuer à l'accompagnement des réformes



Viviane Durand-Guerrier
Professeure émérite de l’université de Montpellier
Présidente de la CFEM
http://www.cfem.asso.fr

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