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Impacts de la réforme du lycée général : filles, maths et sciences économiques et sociales

Cette note du Collectif Maths&Sciences analyse l’évolution de la répartition des élèves de 1re et de terminale suivant un enseignement de sciences économiques et sociales (SES) associé à un enseignement de mathématiques, et liée à la réforme du lycée. Elle montre que les effectifs suivant un enseignement de SES sont stables, mais que le nombre d’élèves qui y associent les maths chute fortement, en particulier pour les filles. En cause ? La structure du lycée général actuel.

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Le Collectif Maths&Sciences est signataire de cette note  : voir https://collectif-maths-sciences.fr/ pour la composition du Collectif et ses publications.

Nous étudions1 l’évolution depuis la réforme du lycée des effectifs d’élèves suivant un enseignement de SES selon leur formation en maths. Nous analysons ensuite les conséquences genrées de ces évolutions. Bien que l’effectif global des élèves à profil sciences économiques et sociales (profil ES) soit stable, voire en augmentation en 1re, les impacts de la réforme sur la formation associée aux maths consistent en une chute des effectifs en maths dès la 1re et en l’apparition d’inégalités de genre. Les conséquences ? Une aggravation des inégalités pour la poursuite d’études supérieures et l’accès aux filières sélectives mettant en jeu la réussite dans les formations en économie et gestion. Les classes préparatoires économiques et sociales sont particulièrement impactées par ces inégalités de genre ainsi créées : en 2021, la baisse des nouveaux entrants concerne surtout les filles, en baisse de 8%2.

Effectifs des élèves à profil ES en 1re et terminale générale selon la formation en maths

Un élève à profil ES désigne avant la réforme (2018 pour la 1re et 2019 pour la terminale) un élève de la série ES qui articulait des enseignements de sciences sociales (SES et HG) avec un enseignement de maths de 3h en 1re et de 4h ou 5h30 en terminale. Après la réforme, il s’agit d’un élève suivant la spécialité SES3. En 1re ces élèves peuvent avoir 4h de maths en choix de spécialité ou pas de maths ; en terminale, ils peuvent suivre 0, 3, 6 ou 9 heures de maths par semaine en fonction des spécialités et options choisies.

1. Elèves de première à profil ES

+ 38% en SES et - 38% avec des maths en 3 ans

2. Elèves de terminale à profil ES selon les maths

Stabilité en SES et - 67% avec des maths en 2 ans4

Lecture : le nombre d’élèves à profil ES suivant des maths en 1re baisse de 38% en passant de 127 333 en 2018 à 79 355 en 2021.

Lecture : en 2019, 67 846 élèves en terminale ES suivent 5h30 de maths par semaine. En 2021, ils sont 25 304 suivants 5h30 de maths ou plus.

Après la réforme, en première, plus de la moitié des élèves ne suit plus aucun enseignement de maths et le nombre d’élèves associant un enseignement de maths avec les SES baisse de 38% (graphique 1). En terminale, l’effectif des élèves à profil ES est stable, d’environ 130 000. Mais alors qu’avant la réforme tous les élèves suivaient au moins 4 heures d’enseignement de maths par semaine, ils ne sont plus que 44 000 à suivre un tel enseignement en 2021, soit une baisse de 67% (graphique 2). La moitié d’entre eux, soit 68 000, suivait 5h30 de maths par semaine en 2019, c’est moins de 1 sur 5, soit 25 000 élèves, en 2021. Entre la 1re et la terminale, près d’1 élève sur 2 abandonne complètement les maths.

Répartition des filles et garçons à profil ES selon les maths : l’abandon des maths plus important pour les filles

Les graphiques 3 et 4 présentent l’évolution depuis la réforme des effectifs d’élèves à profil ES avec des maths en cycle terminal de la voie générale selon le sexe.

 

3. Elèves de 1re à profil ES avec au moins 3h de maths :

- 46% de filles et - 25% de garçons en 3 ans

4. Elèves de terminale à profil ES avec au moins 5h30 de maths :

- 71% de filles et - 49% de garçons en 2 ans

Lecture : le nombre de filles à profil ES suivant des maths en 1re a baissé de 46% en passant de 77 800 en 2018 à 42 216 en 2021.

Lecture : En 2019, 41 657 filles à profil ES suivent 5h30 de maths par semaine. En 2021, elles sont 11 987 à faire 6h ou plus de maths.

En 1re, le nombre de garçons qui suivent des maths et un enseignement de SES a baissé de 25% depuis la réforme ; la baisse est de 46% pour les filles. En terminale, faute de disposer d’informations sur la répartition par sexe des élèves ayant choisi l’option maths complémentaires selon leur doublette de spécialités, on se concentre sur les élèves ayant choisi la doublette SES-Maths et on compare avec les anciens élèves de la série ES qui suivaient 5h30 de maths. Le nombre de filles qui en terminale font 5h30 de maths ou plus associées à un enseignement de SES a ainsi baissé de 71% depuis la réforme.

Évolution de la part des filles à profil ES : des inégalités filles/garçons nouvelles dans les parcours associés aux maths5

5. Évolution de la part des filles selon les parcours maths

On représente l’évolution depuis 2015 de la part des filles parmi les élèves à profil ES selon le volume de maths suivi : en 1re, tous les élèves ont 3h avant 2018, puis 0 ou 4h ensuite. En terminale, tous les élèves ont 4h ou 5h30 avant 2019, puis 0, 3, 6 ou 9h ensuite.

Lecture : les filles représentent 56% des élèves de terminale. Elles représentent 47% des élèves de terminale à profil ES qui suivent au moins 5h30 de maths par semaine en 2021.

En 1re et terminale, la part des filles parmi les élèves à profil ES est stable, d’environ 61% des élèves (courbe orange). Mais lorsqu’elle est associée aux maths, la proportion de filles chute fortement au bénéfice des garçons dès la 1re, ce qui crée une inégalité nouvelle pour ces profils : la part des filles en 1re ou en terminale suivant 4h ou 5h30 de maths en ES est globalement stable et représentative de la part des filles en ES jusqu’en 2019, d’environ 61%. Depuis la réforme la part des filles faisant des maths en 1re a chuté de 8 points à 53% (courbe bleu clair), et celle de terminale avec plus de 5h30 de maths a chuté de 14 points à 47% (courbe bleu foncé), bien au-dessous des niveaux des séries ES depuis plus de 30 ans.

Quelques pistes d’analyse des ruptures observées depuis la réforme

  • Un appauvrissement de l’offre de maths en 1re : depuis la réforme il n’existe plus de programme de maths adapté aux profils ES analogue à celui de 3h offert en ES avant 2019. Une mise en cohérence de l’articulation entre l’offre de formation en maths et celle dans les autres disciplines serait à mettre en œuvre, avec un programme adapté et qui propose des liens avec les programmes des autres disciplines afin de répondre aux besoins de formation en maths des élèves.

  • Le caractère facultatif de l’option maths complémentaires conduit à la chute du nombre d’élèves poursuivant des maths en terminale. Il apparaît nécessaire de repenser l'organisation du cycle terminal pour intégrer les enseignements dans des formations cohérentes pour l'orientation.

  • L’affichage élitiste des maths dès la 1re accentue la dimension genrée des choix conseillés et offerts. Il peut expliquer la création d’inégalités de genre chez les élèves à profils ES et suivant des maths en 1re. L’obligation d’un enseignement de maths à horaires comparables avec un contenu adapté conduirait à une offre plus équitable de la discipline.

  • Le manque d’information claire sur les prérequis en maths nécessaires pour l’accès à de nombreuses filières favorise l’abandon précoce des maths et accentue les conseils stéréotypés et les inégalités pour des publics mal informés. Une meilleure transparence des prérequis est indispensable pour l’information équitable et dans l’intérêt de tous les élèves.

Conséquences prévisibles de la réforme du lycée sur les élèves à profils sciences économiques et social

Même si l’enseignement de SES ne nécessite pas un enseignement avancé de maths, un bagage minimal reste cependant indispensable pour la plupart des formations post-bac dans ces filières. Un élève qui aurait eu auparavant 3h puis 4h ou 5h30 de maths ne pourra pas conserver un niveau équivalent avec seulement 1h30 en 1re puis éventuellement 3h d’option en terminale. De plus, n’oublions pas que l’accès aux BTS ou BUT est adapté aux élèves des séries technologiques qui ont tous encore 3h de maths en 1re et en terminale. Si la réforme a conduit à l’augmentation du nombre d’élèves suivant un enseignement de SES en 1re, l’effectif de terminale est stable mais hétérogène et sans cohérence de la formation. Elle conduit à des pertes de chances d’accès et de réussite dans de nombreuses formations, particulièrement celles sélectives ou en tension dans ce domaine, et créé des inégalités nouvelles pour les filles dans ces profils.

Conclusion : impacts de la structure du lycée actuel sur les profils en sciences économiques et sociales

Depuis la réforme, les effectifs des profils ES sont stables en terminale, mais le nombre d’élèves suivant des maths chute massivement. La part des filles régresse brutalement au profit des garçons, alors qu’elles étaient auparavant majoritaires.

Diminution de moitié des élèves à profil ES suivant des maths en 1re :

tous suivent 3h de maths en 2019, la moitié n’en fait plus en 2021.

Trois fois moins d’élèves de terminale à profil ES suivant 3h ou plus de maths par semaine : tous suivent 4h ou plus de maths en 2019 (132 000 élèves), le tiers en fait encore en 2021 (44 300).

La moitié des élèves abandonne les maths après la 1re en 2021 ; il n’y en avait aucun en 2019.

Des inégalités filles garçons pour les maths dès la 1re :

en 2021, le nombre d’élèves suivant SES et maths baisse 2 fois plus pour les filles (-46%) que pour les garçons (-25%).

Baisse de 14 points de la part des filles parmi les élèves suivant 5h30 de maths ou plus par semaine, alors que la cette part est restée stable pour les profils ES à environ 61% : 61% de filles parmi les terminales ES faisaient plus de 5h30 de maths en 2019, mais 47% suivent la doublette Maths/SES en 2021.

 

1 Nos études n’utilisent que les données publiques, toutes vérifiables et accessibles sur le site du ministère de l’Éducation Nationale (RERS ou notes Depp).

3 On aurait pu ajouter les élèves suivant la spécialité HGGSP, ce qui ne changerait pas les tendances observées, mais amoindrirait la lisibilité des profils.

4 Les élèves à profil ES avec des maths sont ceux qui suivent SES et la spé maths de 6h ou l’option maths complémentaires de 3h (MC). Pour les effectifs en SES avec MC, nous avons calculé des extrapolations à partir notes de la DEPP 21.41 et 22.19. Nous faisons l’hypothèse que la part des élèves ayant choisi MC avec SES est uniforme selon les doublettes hors maths, quels que soient les champs considérés.

5 N’ayant pas pu accéder à toutes les données, nous avons calculé des valeurs approchées pour montrer l’évolution de la part des filles avec plus de 3h de maths en terminale, sous l’hypothèse que la part de filles est la même parmi les élèves choisissant maths complémentaires, avec SES ou non.

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Enseigner les mathématiques. Didactique et enjeux de l'apprentissage Enseigner les mathématiques. Didactique et enjeux de l'apprentissage Dorier, J.L., Gueudet, G. (2018). Belin
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