Le point de vue de Corinne Hahn (CIEAEM), mai 2014
Complexité du monde et formation scientifique
Corinne Hahn, présidente de la CIEAEM, le 25 avril 2014
La complexité du monde rend indispensable, aujourd’hui plus que jamais, de munir les citoyens d’une formation scientifique solide. C’est pourtant loin d’être le cas : les études PIAAC et IVQ montrent que beaucoup d’adultes ne maîtrisent pas les connaissances nécessaires à une intégration réussie dans la vie sociale et professionnelle. Par ailleurs, la désaffection pour les études scientifiques s’accélère et de nombreux élèves passent un bac scientifique, voire sont diplômés d’une école d’ingénieur pour ensuite changer de voie alors même que nous sommes confrontés à une pénurie de scientifiques.
Comme le faisait remarquer Michèle Artigue dans un précédent point de vue, ce constat dépasse largement le cadre national. Face à un environnement économique et politique de plus en plus globalisé, les solutions ne peuvent être pensées seulement au niveau national. Il ne s’agit pas de répondre à la globalisation par l’uniformisation des pratiques et des cadres de recherche mais d’intégrer le respect des identités culturelles et des particularités locales. Ces solutions doivent être avant tout pensées par les acteurs de terrain, les professeurs et les chercheurs.
La complexité du monde impose de croiser les points de vue et les grilles d’interprétation des différents acteurs. Le point de vue des professeurs qui, face à leurs classes doivent continuellement réinventer leur pratique et trouver des solutions aux problèmes qui se posent jour après jour ; le point de vue des didacticiens qui étudient ces questions et apportent des éclairages qui permettront de faire avancer la connaissance sur l’enseignement et l’apprentissage. Il existe des temporalités différentes entre pratique et recherche, et la relation qui les lie n’est pas simple et parfois source de tensions et d’incompréhensions mutuelles. C’est ce qui rend nécessaire la mise en place d’espaces de transitions qui permettent à ces différentes communautés de se rencontrer et de construire ensemble. La CIEM (ICMI en anglais) est un de ces espaces. La Commission internationale pour l’étude et l’amélioration de l’enseignement des mathématiques (CIEAEM), affiliée à l'ICMI depuis 2010, en est un autre.
Depuis plus de 60 ans, la CIEAEM réunit chaque année entre 100 et 150 praticiens et chercheurs venus du monde entier. Ils ont pour objectif d’initier le changement en favorisant la prise de conscience individuelle grâce au débat et au partage. Ils sont instituteurs, professeurs de mathématiques, mathématiciens, didacticiens des mathématiques mais aussi sociologues, psychologues ou philosophes. Les travaux se font en français et en anglais, malgré les contraintes liées au bilinguisme. Mais nous vérifions année après année que l’effort d’écouter voire de parler une autre langue que la sienne installe une atmosphère différente et très propice à des échanges constructifs.
Certains nous ont quittés très récemment, comme notre chère Emma Castelnuovo. Emma a été présidente de la CIEAEM, elle fait partie des grands anciens qui sont une constante source d’inspiration, pour nous comme pour l’ensemble de notre communauté. En attestent les deux prix décernés par ICMI qui portent les noms de deux anciens présidents de la CIEAEM (Emma Castelnuovo et Hans Freudenthal), restés toute leur vie très impliqués dans notre organisation.
Les prochaines rencontres de la CIEAEM auront lieu à Lyon du 21 au 25 juillet 2014, sur le thème : Mathématiques et Réalités. Vous y serez évidemment les bienvenus.
Corinne Hahn, le 25 avril 2014