Vous êtes ici : Accueil / Point de vue / Le point de vue de Michèle Artigue, février 2014

Le point de vue de Michèle Artigue, février 2014

Un point de vue international pour penser l'enseignement des mathématiques

Michèle Artigue, médaille Felix Klein 2013

ArtigueUne nouvelle année commence après un mois de décembre où la publication des résultats de l’évaluation PISA de l’OCDE a fait la une des médias, l’espace de quelques jours, donnant une image peu reluisante de l’enseignement des mathématiques dans notre pays. On peut légitimement critiquer l’enquête PISA et douter de sa capacité à évaluer l’idée de litéracie mathématique telle qu’elle la définit. On peut souligner que, même s’agissant de scolarité obligatoire, on attend de l’enseignement des mathématiques bien plus que ce que PISA cherche à évaluer. On peut être ulcéré par la façon dont les médias en rendent compte et dont les politiques l’exploitent. Il n’en demeure pas moins que lorsque l’on regarde les items libérés et les codes attribués aux différentes questions (*), le fait que plus de 22% des élèves de l’échantillon français se retrouvent en dessous du niveau 2 est choquant. Comme est choquant le fait que notre pays apparaisse comme l’un des plus inégalitaires et l’un de ceux où les inégalités sont le plus socialement déterminées. Il n’y avait cependant pas d’évolution positive à attendre par rapport aux résultats de l’enquête précédente de 2009 qui, déjà, donnait des résultats comparables. Suppression de postes et de classes, démantèlement de la formation initiale et poursuite de la dégradation de la formation continue, décisions faisant encore régresser une mixité sociale déjà mise à mal par la ségrégation géographique, le système éducatif a été particulièrement malmené ces dernières années. Ceci n’empêche pas la situation de s’imposer à nous comme inacceptable.

Dans un tel contexte, l’existence d’une organisation comme la CFEM, regroupant les principaux acteurs impliqués dans les questions d’enseignement des mathématiques, est précieuse. Ce n’est pas si fréquent. Et il est heureux que cette organisation qui, comme le rappelle Jean-Pierre Kahane dans un texte récemment mis en ligne sur le site de l’association, s’est constituée en 1974 comme sous-commission française de la Commission internationale de l’enseignement mathématique ou ICMI pour organiser et soutenir la participation française aux activités de l’ICMI, ne se limite plus aujourd’hui à ce rôle mais cherche aussi au niveau national à favoriser le dialogue et les synergies entre les différentes institutions qui la composent. Car relever les défis cruciaux que pose aujourd’hui l’enseignement des mathématiques nécessite que de telles synergies existent.

Les liens étroits qui unissent la CFEM à l’ICMI sont aussi un atout. Car au-delà de soutenir la participation française aux activités de l’ICMI, congrès, études et conférences régionales notamment, et à contribuer ainsi à la visibilité internationale des travaux français, la CFEM doit permettre en retour que les travaux menés au sein de l’ICMI soient mieux connus en France et y contribuent à la réflexion sur l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques à tous les niveaux. Car, même si chaque contexte est différent, les difficultés que nous rencontrons ne nous sont pas spécifiques. Ayant commencé à écrire cet éditorial à Pékin, après avoir passé une dizaine de jours à discuter avec mes collègues chinois d’évolutions curriculaires, d’évaluation et de formation des maîtres, j’en ai eu une fois de plus la confirmation. J’ai aussi éprouvé, une fois de plus, comment le dépaysement que produit la rencontre avec une autre culture éducative nous permet de voir notre propre système éducatif autrement, de mieux percevoir ses forces et ses faiblesses à travers le regard que nous renvoie l’autre, de questionner ce qui semblait aller de soi, d’entrevoir des possibilités non exploitées. La Commission internationale de l’enseignement des mathématiques s’est créée il y a un peu plus d’un siècle sur l’idée que les échanges, les collaborations internationales étaient nécessaires à l’avancée sur les questions d’enseignement des mathématiques. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui que nous sommes, en matière d’éducation et de recherche, soumis de plus en plus à des forces qui dépassent le seul contexte national, et par rapport auxquelles, l’action, les solidarités se doivent aussi d’être internationales.

(*) Voir aussi le cadre d'analyse publié par PISA.

Michèle Artigue, le 26 janvier 2014

Accès aux points de vue des mois précédents

Manifestations
Colloquium CFEM-ARDM 2024 Numérique et égalité des chances dans l’enseignement des mathématiques
Colloquium CFEM-ARDM 2023 Depuis de nombreuses années, les enjeux de l’égalité hommes-femmes en mathématiques, tant dans l’enseignement, dans la recherche que dans le monde professionnel, ont fait l’objet de travaux de recherche, d’actions de sensibilisation et de recommandations institutionnelles.
Colloquium CFEM-ARDM 2022 Interdisciplinarité dans l’enseignement et la diffusion des mathématiques. Opportunités, freins et leviers
Toutes les manifestations
Publications
Technology in Mathematics Teaching Technology in Mathematics Teaching Aldon, G., Trgalova, J. (2019) Springer
Enseigner les mathématiques. Didactique et enjeux de l'apprentissage Enseigner les mathématiques. Didactique et enjeux de l'apprentissage Dorier, J.L., Gueudet, G. (2018). Belin
Mathematics and Technology. A CIEAEM source book Mathematics and Technology. A CIEAEM source book Aldon, G. Hitt, F., Bazzini, L., Gellert, U. (2017). Springer
Toutes les publications